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Plus de marché ou plus d'arbitraire?

Plus de marché ou plus d'arbitraire?

La Commission suisse de la concurrence, ou COMCO, est responsable de l'application de la loi sur les cartels (LCart). Celle-ci a pour but «d'empêcher les conséquences nuisibles d'ordre économique ou social imputables aux cartels et aux autres restrictions à la concurrence et de promouvoir ainsi la concurrence … » (art. 1 LCart). Au service de l'efficacité économique, la COMCO a également enregistré d'importants succès dans le secteur de la construction. Récemment, fin 2017, une douzaine d'entreprises de BTP ont été sanctionnées pour avoir manipulé entre 2008 et 2012 en Engadine différentes soumissions de construction de bâtiments et de génie civil.

Juste et à meilleur prix?
Mais tout ce qui est juste du point de vue de la COMCO n'est pas toujours meilleur marché. Il y a une bonne dizaine d'années, les recommandations d'honoraires des ordres des avocats cantonaux en usage depuis des décennies sont devenues le point de mire des gardiens de la concurrence. Dans leurs recommandations, les ordres des avocats conseillaient des plages d'honoraires. En proposant aux justiciables un tableau des montants raisonnables d'honoraires d'avocats, ils créaient de la transparence. Ces recommandations avaient donc un rôle de protection du consommateur. La COMCO en revanche y voyait un danger pour la concurrence entre les avocats et les recommandations durent être purement et simplement supprimées. Les honoraires des avocats n'en ont pas baissé pour autant.

Marche funèbre pour les recommandations d'honoraires
Dès 2017, les maîtres d'ouvrage publics (KBOB) ont été contraints sur pression de la COMCO de retirer leurs recommandations en matière d'honoraires. Mais pour les petits maîtres d'ouvrage comme les communes avec peu d'expertise dans le domaine de la construction, ces valeurs indicatives étaient un instrument important pour identifier les tarifications appropriées. Cet instrument a disparu du fait de l'intervention de la COMCO.
À présent, la COMCO a ouvert une enquête préalable contre la SIA et veut sonner le glas des recommandations d'honoraires si appréciées de la SIA. Elle «suppose» que les règlements sur les prestations et les honoraires (LHO), la Charte «Des honoraires équitables pour des prestations compétentes» et certaines directives relatives au règlement SIA 142 contreviennent à la loi sur les cartels. Et parce que les «suppositions» de la COMCO peuvent rapidement coûter très cher (avec la menace d'une procédure à l'encontre de la SIA, qui pourrait se solder par de lourdes amendes), la SIA, comme autrefois les ordres des avocats, s'est inclinée sous la pression. Elle a supprimé la Charte et averti ses membres du risque d'infraction à la loi sur les cartels s'ils exigent en tant que juges spécialisés que les LHO soient respectés dans les programmes de concours. La SIA a en outre chargé un groupe d'experts d'élaborer un «auxiliaire de calcul» pour la tarification des honoraires qui soit conforme à la législation de la concurrence et des cartels.
Cela vous rappelle sans doute quelque chose: fin 2002 déjà, la COMCO avait interdit à la SIA de continuer à publier les «Bases d'établissement des honoraires» avec le «Tarif des coûts» (pourcentages de base des honoraires et tarifs horaires). C'est ainsi qu'a été développé le «modèle du temps nécessaire» tel que nous le connaissons depuis 2003. Selon ce modèle, le temps nécessaire est déterminé en fonction du projet de construction et du coût de l'ouvrage, tandis que le tarif horaire est calculé par les planificateurs eux-mêmes et/ou négocié avec le maître d'ouvrage. Ce modèle a même été reconnu comme méthode pertinente par le tribunal de commerce de Zurich (jugement du 15 décembre 2014, HG140008-0), quoique sans confirmation de la part du Tribunal fédéral et en dépit de critiques au sein de la doctrine juridique.
Mais du fait des «suppositions» de la COMCO, le modèle du temps nécessaire est lui aussi sur le point de disparaître.

Arbitraire ou transparence du marché?
À qui profitent ces initiatives? Rien n'est moins sûr qu'un «auxiliaire de calcul modernisé» serve le public et débouche sur davantage de marché, conformément au but poursuivi par la COMCO. Il semble bien davantage que la transparence du marché en souffrira. On se demande d’ailleurs quel type d'auxiliaire de calcul trouvera l'assentiment de la COMCO, si elle taxe déjà le modèle actuel d'illicite pour des raisons hypothétiques. Les auxiliaires de calcul se justifient tout à fait par des considérations d'efficacité économique et de transparence du marché.
Il reste donc à espérer que la SIA et la COMCO trouvent une solution qui satisfasse les intérêts des planificateurs à disposer d'une aide de calcul valable et qui soit également compréhensible pour le commun des profanes en matière de construction.

Patrick Middendorf – middendorf@amt-ra.ch
Texte original de werk, bauen + wohnen: Mehr Markt oder mehr Willkür?
Traduction: Caroline Provençal